François Tranchessec était marié, vivait à Alfortville, au 72 rue Véron, deuxième étage, et avait fondé une famille composée de 4 enfants au moment de l'occupation. D'autres enfants naîtront après la guerre.
Son fils ainé, François également, né le 10 07 1939 au 72 rue Véron à Alfortville où il a vécu toute
son enfance. nous raconte :
"Nous avons été élevés dans une famille de militants
communistes.
Nous participions régulièrement à la fête de
l'Humanité et mon père était secrétaire de la cellule Guy Moquet du parti
communiste d'Alfortville, située au 72 de la rue Véron.
Cette cellule était très active.
François et des amis communistes, la plupart anciens résistants,
devant la cellule Guy Moquet, après la guerre
Les militants
accrochaient des banderoles sur la devanture, des drapeaux flottaient
au-dessus, et ils plaçaient des grandes pancartes d'hommes politiques français
avec des extraits de leurs discours sur le trottoir.
La cellule de la rue Véron décorée
Mon père exerçait le métier de chauffeur de camion
poubelle pour la Compagnie Générale d'Entreprise Automobile de la ville de
Paris.
Il était, avec ses collègues, militant communiste.
En 1936, le voilà qui pose devant son entreprise lors des grandes grèves :
Les enfants de notre famille et nos voisins
adhéraient à des mouvements de jeunesse appelés Vaillant. C'étaient en quelque
sorte comme les scouts sauf que nous étions laïcs. Il s'agissait surtout
d'actions de solidarité pour les enfants et les jeunes. Nous distribuions les
journaux, par exemple.
Le groupe des filles "vaillantes", avec mes sœurs Alice, Arlette, et les jumelles Josiane et Jocelyne
Le groupe des garçons, avec François fils devant
J'étais scolarisé à l'école Octobre, toute récente.
C'était l'école des ouvriers, de la "basse classe", du 108. L'école
Barbusse, elle, était plus "prestigieuse".
Mon père s'appelait François Tranchessec. Il était
chef d'ilot, c’est-à-dire qu'il surveillait notre quartier, et avait un sifflet
qui lui permettait d'avertir en cas de bombardement ou de menaces provenant des
allemands.
Il organisait des réunion de secteur dans notre
salle à manger du 72 de la rue Véron. Dans cette pièce, des tableaux de
communistes comme Marcel Cachin ou Maurice Thorez étaient accrochés au mur.
Ma mère et lui avaient fixé des couvertures aux
fenêtres, car il ne fallait absolument pas que de l'extérieur on puisse voir de
la lumière provenant de chez nous, surtout une fois que le couvre-feu était
commencé. On aurait pu nous dénoncer aux allemands, à la Milice, et venir nous
arrêter.
Mon père recevait ses compagnons en cachette, ils
passaient par les jardins et se faufilaient le plus discrètement possible
jusqu'à notre appartement.
On avait un poste de radio, qui n'avait pas été
confisqué.
Mon père écoutait la BBC, il appelait ce poste "l'œil de
Moscou", car il pouvait avoir des renseignements provenant de
l'Angleterre, et être informé de la réalité des choses, parce qu'à Alfortville
les services de propagande diffusaient de fausses informations. En tant que
chef d'ilot, il devait s'informer.
Quand on entendait les avions, les consignes
étaient de vite descendre dans la cave pour se protéger, mais mon père ne
voulait pas y aller, car il craignait d'être enseveli sous les décombres. Je
restais donc seul avec lui dans le jardin, en attendant que les avions
repartent.
Je ne peux pas dire ce qu'il se racontait lors de
ces réunions, mais je voyais les hommes venir, car je me cachais derrière la
porte dans le couloir avec ma sœur Alice. Quand mon père se rendait compte de
notre présence, il nous demandait de filer au lit.
C'était quelqu'un de très discret, qui n'a jamais
voulu de reconnaissance, ni que l'on parle de ce qu'il avait fait. Il l'a fait
pour l'honneur et pour défendre ses convictions.
Je sais qu'ils parlaient des actions et des
sabotages que les résistants pouvaient organiser aux alentours, notamment au
fort de Charenton. "